Le livre : Moratoire au Convainquisme.
A. Introduction :
Avant de commencer, je me dois de donner le sens de cet idiomatisme tout personnel. Par le terme convainquisme, j'entends la condamnation idéologique, et systématique de toute comparaison entre des croyances, concepts, ou connaissances religieuses avec des théories scientifiques en les qualifiant de "concordisme".
En effet, l'acceptation péremptoire de l'idée (de la croyance) que des concepts théoriques ou théologiques des ouvrages fondateurs des religions (Coran, Bible, Brahmapoutra, Véda, ...) ne peuvent strictement pas entrevoir des concepts confortés postérieurement à leur rédaction par des découvertes scientifiques, ou rejoindre, s'approcher conceptuellement de ceux-ci est une erreur de logique, dialectique et épistémologique évidente. Cette conviction (=> convainquisme) ne se fondant sur aucune démonstration réfutable, et qui plus est, étant clairement démentie dans de nombreux cas.
B. Exemples de théories pré-scientifiques confortées ou rejointes par les progrès techniques et expérimentaux.
1. L'oeuf primordial :
L'origine de l'Univers dans un genre d'oeuf primordial évoquant l'oeuf primordial de Lemaitre [1]. Rejoignant également le verset coranique.
(Cor. 21,30) : "Ceux qui ont mécru, n’ont-ils pas vu que les cieux et la terre formaient une masse compacte ? Ensuite Nous les avons séparés et fait de l’eau toute chose vivante. Ne croiront-ils donc pas ?"[2]
* * *
1.1. Afrique :
Le mythe Dogon relate qu'Amma créa un oeuf et à l'intérieur un dieu en forme de poisson, «le Nommo». Ce poisson dieu dans l'oeuf se multiplie ensuite en quatre couples de dieux et de déesses.
L'oeuf cosmique, pour les Bambaras, est l'Esprit premier, produit au centre de la vibration sonore par le tournoiement de celle-ci. Ainsi cet oeuf se forme, se concentre, et peu à peu se sépare de la vibration, gonfle, s'élève et éclate, laissant retomber les vingt-deux éléments fondamentaux formés en son sein.
1.2. Cananéens :
Selon les traditions cananéennes, Mochus met à l'origine du monde l'éther et l'air d'où nait Oulômos (L'Infini). Oulômos engendre l'oeuf cosmique et Chansôr (le dieu artisan). Chansôr ouvre l'oeuf cosmique en deux et forme le ciel et la terre de chacune de ses deux moitiés.
1.3. Chine :
Dans les traditions chinoises, avant toute distinction du ciel et de la terre, le chaos lui-même avait l'apparence d'un oeuf de poule. Au bout de 18000 ans (nombre qui symbolise d'une période indéfinie), l'oeuf-chaos s'ouvrit : les éléments lourds formèrent la terre (Yin) ; les éléments légers et purs le ciel (Yang).
La théorie Houen-t'ien, de son côté, conçoit le monde comme un oeuf immense, dressé à la verticale. Le ciel et les astres sont la partie intérieure et supérieure de la coquille ; la terre est le jaune flottant au milieu de l'océan primordial qui remplit le fond de l'oeuf.
1.4. Egypte :
Pour les Égyptiens, sous l'action d'un démiurge, une butte émerge du Noun, l'océan primordial, sur laquelle un oeuf éclot. De cet oeuf, un dieu jaillit, qui organise le chaos en donnant naissance aux êtres différenciés.
Mais l'Égypte ancienne connaissait diverses cosmogonies. Selon celle d'Hermopolis, l'oeuf primordial n'était autre que la Qerehet, patronne des forces vitales de l'espèce humaine.
1.5. Finlande :
Dans le Kalevala, avant la naissance du temps, la Vierge, déesse des eaux, laisse apparaître son genou à la surface des eaux primordiales. Le canard, maître de l'air, y dépose 7 oeufs, dont 6 d'or et 1 de fer. La vierge plonge, les oeufs se brisent dans les eaux primordiales. Tous les morceaux se transforment en choses bonnes et utiles :
- le bas de la coque de l'oeuf forme le firmament sublime,
- le dessus de la partie jaune devient le soleil rayonnant,
- le dessus de la partie blanche est la lune luisante :
- tout débris taché de la coque devient une étoile au firmament,
- tout morceau foncé de la coque devient un nuage.
1.6. Inde :
En Inde, selon la Chândogya Upanishad, l'oeuf est né du Non-être et il a engendré les éléments : « Au commencement, il n'y avait que le Non-être. Il devint l'être. Il grandit et se changea en oeuf. Il reposa toute une année, puis il se fendit. Deux fragments de coquille apparurent : l'un d'argent, l'autre d'or. Celui d'argent, voilà la terre ; celui d'or, voilà le ciel. »
1.7. Incas :
Le Grand Temple Inca de Coricancha, à Cuzco, avait pour principal ornement une plaque d'or de forme ovale, flanquée des effigies de la lune et du soleil. Lehman Nitsche y voit la représentation de la divinité suprême des Incas, Huiracocha, sous la forme de l'oeuf cosmique, citant à l'appui de sa thèse plusieurs mythes cosmologiques recueillis au Pérou par les espagnols, dont celui-ci : le héros créateur demande à son père, le Soleil, de créer les hommes pour peupler le monde. Celui-ci envoie sur terre trois oeufs. Du premier - oeuf d'or - sortiront les nobles; du second - oeuf d'argent - sortent leurs femmes; du troisième enfin - oeuf de cuivre - est issu le peuple. Dans une variante, ces trois mêmes oeufs tombent du ciel après le déluge.
1.8. Tibet :
Selon des doctrines tibétaines, pour n'être pas primordial, l'oeuf est cependant à l'origine d'une longue généalogie d'hommes : de l'essence des cinq éléments primordiaux, un grand oeuf est sorti. Et de l'oeuf sont sortis un lac blanc, les êtres des dix catégories, d'autres oeufs, d'où sortirent les membres, les cinq sens, des hommes, des femmes.
2. La génération spontanée :
En effet, quoi que cela ne soit pas encore entièrement conforté par la science, l'apparition de la vie par des processus métabolique et symbiotiques spontanés est soutenue de façon évidente en sciences. Or, cela aussi est concordant avec les philosophies pré-scientifiques et atomistes antiques. Or, tous les ouvrages traitant de l'histoire des sciences font part de ces croyances anciennes dans le cadre de l'élaboration sémantique de la théorie de l'évolution.
C. Du rejet d'une thèse réfutable sans la réfuter :
Scientifiquement, tout argumentaire fondé sur des articulations logiques vérifiables est scientifique. En sorte que si celui-ci n'est pas encore vérifié, ils demeure scientifique jusqu'à ce qu'il soit réfuté. Cela est la procédure scientifique déontologiquement et méthodologiquement incontournable. Rejeter une théorie sans en pointer les failles de façon vérifiable n'est pas un comportement scientifique, mais un comportement idéologique anti-scientifique. Ce qui m'a incité à soutenir par le biais de cet article un moratoire au convainquisme.
Ce qu'il ne faut pas faire, c'est rejeter le sens acquis et clair de certains passages de textes anciens pour les tordre et garantir à tout prix une contradiction avec le bon sens ou les acquis expérimentaux. Sous prétexte qu'accepter le sens littéral et non réfuté doit être incompatible avec des données vérifiables après sa rédaction. Cela s'appelle antériorité du paradigme, ou accepter l'hypothèse comme sa propre preuve (tautologie). Si un verset a un sens clair pris littéralement, c'est à la personne qui lui attribue un sens secondaire, tertiaire de démontrer de façon vérifiable que le sens littéral n'est pas celui qui est visé. Pas le contraire. Ce qui nécessite une étude sémantico-historique réfutable et une analyse rigoureuse des significations et champs sémantiques sur base de l'ensemble des écrits contemporains aux plus anciens manuscrits, et une analyse paléographique et lexicologique. Méthode qui n'est jamais rigoureusement soutenue pour conforter la qualification de certaines thèses concernant des écrits sacrés de concordisme par convainquisme.
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[1] Parallèle établi également par des théoriciens en physique avancée de par la proximité sémantique triviale.
[2] Traduction d'après Albert Kazimirski de Biberstein (1844).
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